Cameroun : Code électoral, Propositions d’une réforme ambitieuse

Cameroun : Code électoral, Propositions d’une réforme ambitieuse

Dans le souci de garantir des élections libres, justes et transparentes, permettant d’éviter des crises qui naissent des élections contestées et menacent la paix, la stabilité et la cohésion sociale, certains partis politiques, les organisations de la société civile, après avoir travaillé de manière participative et consensuelle, ont adopté les amendements du Code Electoral. Par ailleurs, ils estiment que pour consolider la démocratie et donner davantage de chance au développement du pays, tout le système électoral actuel devrait être revu.

Dans cette perspective, une modification constitutionnelle doit être envisagée. Les présentes propositions se limitent aux dispositions de la loi N°2012/001 du 19 avril 2012 portant Code électoral modifiée et complétée par la loi N° 2012 017 du 21 décembre 2012 et la loi N° 2019 005 du 25 avril 2019 qui peuvent faire l’objet d’une révision législative sans une modification préalable de la Constitution. Elles s’appuient sur la Constitution qui énonce en son article 2, (2) et (3), les principes fondamentaux selon lesquels : « (2) Les autorités chargées de diriger l’Etat tiennent leurs pouvoirs du peuple par voie d’élections au suffrage universel direct ou indirect, sauf dispositions contraires de la présente Constitution. (3) Le vote est égal et secret ; y participent tous les citoyens âgés d’au moins vingt (20) ans » ; divers autres documents nationaux, notamment les déclarations d’Elecam sur la nécessité de réviser certaines dispositions du code électoral, le quatrième pilier du document de présentation par le Gouvernement de sa « Stratégie nationale de développement 2020 2030 » (SND 30) à l’Assemblée nationale, dans lequel il reconnait l’amélioration du système électoral pour des élections libres, justes, transparentes et crédibles » comme un des « principaux points d’attention» dans le domaine de la gouvernance politique et institutionnelle, de la gouvernance administrative, de la gouvernance économique et financière, de la gouvernance territoriale, et de la gouvernance sociale et culturelle.

Dans un climat de défiance croissante à l’égard des institutions électorales, des acteurs politiques s’engagent dans une proposition de réforme profonde de son code électoral. Le projet introduit des changements majeurs visant à renforcer la transparence, la participation citoyenne et l’indépendance des organes en charge des scrutins.

Parmi les mesures phares, l’introduction du vote obligatoire qui marque un acte symbolique. Celui-ci impose à tous les citoyens en âge de voter de participer aux élections. Si cette disposition vise à lutter contre l’abstention, elle reste pour l’instant dépourvue de sanctions claires en cas de non-participation.

La réforme touche également le Conseil Électoral, dont la composition est entièrement repensée. Désormais, ses 18 membres seront issus de formations politiques parlementaires et extra-parlementaires, de l’administration et de la société civile. Le président et le vice-président, auparavant désignés par le chef de l’État, seront élus au sein du Conseil, dans une logique de séparation des pouvoirs et de représentativité.

Nouvelle gouvernance d’Elecam

Un autre chantier majeur concerne Elections Cameroon (Elecam), l’organe chargé de l’organisation pratique des scrutins. Le projet met fin au bicéphalisme ambigu entre le Conseil électoral et la Direction générale, en confiant au Conseil le soin de nommer son Directeur général et son adjoint par appel à candidatures. Cette démarche vise à réduire les interférences politiques et à professionnaliser la gestion électorale. Sur le plan territorial, la nomination des responsables locaux d’Elecam (régionaux, départementaux, communaux) sera également encadrée par une commission de recrutement, renforçant ainsi la transparence des désignations.

Des ajustements structurels visent par ailleurs à mieux définir les rôles de contrôle : un contrôleur financier remplace le « commissaire aux comptes » pour se conformer aux normes de la comptabilité publique, tandis que les pouvoirs du président de la République en cas de crise sont désormais encadrés par une obligation de consultation du Conseil électoral.

Le processus électoral au Cameroun révèle plusieurs failles juridiques et pratiques susceptibles de porter atteinte à la transparence et à la régularité des scrutins. Un vide juridique persiste en cas de constatation d’une situation d’inéligibilité après l’élection d’un candidat. D’après l’amendement certaines personnes ne doivent pas figurer sur les listes électorales : les condamnés pour crimes, les personnes condamnées à une peine privative de liberté de plus de six mois sans sursis, les faillis non réhabilités ou encore les aliénés mentaux dont l’état est médicalement établi. Ces exclusions ne s’appliquent que si les condamnations sont devenues définitives. Toutefois, il est prévu que si l’incapacité électorale est établie après le scrutin, seul le candidat fautif est sanctionné : son élection est annulée ou son mandat révoqué, sans remettre en cause l’ensemble de la liste dans un scrutin de liste.

Par ailleurs, il est précisé qu’une exclusion temporaire de dix ans frappe les personnes reconnues coupables d’atteinte à la sûreté de l’État, à la fortune publique ou de fraude électorale. Pourtant, ces critères d’exclusion ne sont pas toujours appliqués avec rigueur, créant un sentiment d’impunité chez certains acteurs politiques.

À cela s’ajoutent des difficultés pratiques susceptibles d’affecter la régularité des opérations électorales. C’est pourquoi le document prévoit que le président de la commission locale de vote peut désigner, en l’absence des représentants des candidats ou partis, certains électeurs pour les remplacer. Cette disposition vise à garantir la tenue du scrutin à l’heure prévue, mais elle comporte le risque d’écarter les représentants officiels des partis, fragilisant ainsi la chaîne de surveillance électorale. Si ces représentants arrivent en retard, ils peuvent reprendre leur place, comme le précise la proposition de modification. Cependant, l’absence initiale d’un représentant peut compromettre l’accès de son parti aux procès-verbaux, qui constituent des preuves essentielles en cas de contentieux.

Les leaders de cette initiative proposent que les huissiers de justice et les officiers de police judiciaire soient habilités à exercer tous les jours sans restriction et sans limitation d’heure d’action dès convocation du corps électoral jusqu’à la fin du processus électoral. Toutes les pièces administratives, judiciaires, fiscales et municipales constitutives des dossiers de candidatures sont délivrées gratuitement. Elles portent à l’entête de leur texte l’énonciation de leur destination spéciale et ne peuvent servir à aucun autre usage. Les autorités administrative, judiciaire, fiscale et municipale chargées de la délivrance des pièces  doivent se rendre disponibles et en facilite l’obtention par les candidats pendant la période allant de la convocation du corps électoral à la date limite du dépôt de dossier de candidature à Elecam sous peine de sanctions administratives et le cas échéant de poursuites pénales par l’intéressé.

Supervision des résultats

La proposition de réforme modifie profondément la chaîne de supervision des résultats électoraux. Une nouvelle commission communale de supervision est créée pour centraliser les données locales avant transmission aux niveaux supérieurs. Les commissions départementales et nationales sont recomposées pour mieux refléter la diversité politique et garantir une supervision multipartite, avec des décisions prises à la majorité qualifiée. Autre évolution majeure : l’introduction d’un bulletin unique, sur lequel l’électeur coche son choix, vise à éviter les manipulations, fraudes et inégalités dans la distribution des bulletins. Un changement structurel qui exigera une vaste campagne de sensibilisation.

Enfin, les amendements proposent que le processus électoral soit désormais balisé par un calendrier officiel, la révision des listes électorales sera mieux encadrée, et la distribution des cartes biométriques surveillée de près. Les fonctions des commissions restent gratuites mais les frais logistiques seront désormais pris en charge par Elecam.

Les problèmes ne s’arrêtent pas à l’échelle locale car ma mouture souligne le manque de contrôle effectif des suffrages valablement exprimés à l’échelle communale, ainsi que l’insuffisance de la fiabilité dans la transmission des procès-verbaux. Il est prévu que ces documents soient établis en plusieurs exemplaires, signés et accompagnés des empreintes digitales des membres de la commission, mais leur centralisation et vérification au niveau départemental restent sources de confusion. La commission départementale de supervision travaille à partir des procès-verbaux communaux, les rectifie en cas d’erreur, et publie les résultats provisoires dans un délai de quatre jours. Néanmoins, l’efficacité de ce processus est compromise par des délais serrés, des contestations internes, et des marges d’erreur qui nuisent à la crédibilité de l’ensemble de l’opération électorale.

En définitive, la combinaison d’imperfections juridiques, de défaillances organisationnelles et de lacunes en matière de contrôle affaiblit la confiance dans le système électoral. La nécessité de réformes s’impose pour garantir non seulement le respect des critères d’éligibilité mais aussi l’intégrité, la transparence et la fiabilité des résultats à toutes les étapes du scrutin.

Par Dimitri Mebenga

 

 

 

 

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