Gabon : Covidgate, quid des responsabilités partagées des membres du Copil-Coronavirus?

L’actualité gabonaise est rattrapée par les échos persistants de ce qu’on appelle désormais le Covidgate, vaste polémique sur la gestion des fonds alloués durant la crise sanitaire. Si la quête de vérité et de transparence est légitime, il est tout aussi essentiel de rappeler que la gestion de la pandémie a été un effort collégial, structuré et encadré juridiquement. Pointer un seul individu, fût-il ministre de la Santé, revient à ignorer sciemment la complexité de l’appareil d’État et la chaîne de responsabilités instaurée par les textes officiels.
L’Arrêté n°08/PM portant institution du COPIL Coronavirus est clair : le Comité était piloté par le Premier ministre, et réunissait autour de lui plusieurs membres du Gouvernement Santé, Économie, Budget, Intérieur, Éducation nationale, Commerce, Affaires sociales, Défense, Communication, Transports ainsi que des représentants de la Présidence de la république. Chaque ministère avait un rôle défini, chaque acteur était impliqué dans l’élaboration, la mise en œuvre et le suivi du plan de riposte. Pourquoi, dès lors, vouloir résumer cette vaste coordination à la seule personne du ministre de la Santé de l’époque, Dr Guy Patrick Obiang Ndong?
Les conférences de presse tenues tout au long de la crise par le Gouvernement sont encore fraîches dans les mémoires. Chaque ministre y exposait leur plan de riposte sectoriel. Le ministre de la santé exposait les mesures prises dans son secteur. Était-il responsable du plan de riposte des autres secteurs ? Il paraît nécessaire que les ministères financiers clarifient sur les ressources qui étaient alloués à chaque département ministériel pour financer leurs activités de riposte. C est cela la transparence et non vouloir trouver un bouc émissaire.
Le rapport d’audit commandé à Deloitte
Sur le plan financier, le rapport d’audit commandé à Deloitte est avant tout un audit financier, et non une enquête judiciaire. Il met certainement en évidence les écarts entre les ressources mobilisées, les dépenses effectuées. A partir de cet instant il est nécessaire de s’interroger sur le montant exact des ressources mobilisées primo, sur le plan de répartition de ces dépenses secundo et sur l utilisation des fonds par chaque secteur. Ces fonds étaient gérés par des ordonnateurs de crédit, des contrôleurs budgétaires et des agents comptables.
D’après les chiffres publiés par L’Union dans son édition du 26 mai 2025, ce sont plus de 503 milliards de FCFA qui ont été reçus pour le financement de la Covid. A cet effet, le ministère de l économie devrait clarifier sur l origine de ses fonds et le ministère du budget sur leur utilisation.
Dans ces conditions, il devient impératif de rouvrir le dossier Covidgate dans son intégralité. Pas pour alimenter un spectacle politique, mais pour établir clairement la part de responsabilité de chaque acteur, institution par institution. Une réouverture complète et équilibrée du dossier permettrait de restaurer la confiance, d’éclairer l’opinion publique et de rassurer le peuple gabonais sur la volonté réelle de justice et d’équité.
Faire du Dr Guy Patrick Obiang Ndong le seul visage de cette affaire est non seulement injuste, mais dangereux pour notre compréhension même de la gouvernance publique. Il n’a jamais été ordonnateur des crédits Covid, comme le précisent pourtant les textes réglementaires. Il rendait compte sur le plan technique et sanitaire, mais la gestion financière elle, était assurée par les hauts cadres nommés à cet effet.
Dans une République qui se respecte, la transparence ne doit pas être sélective, et la responsabilité ne doit pas être à géométrie variable. Si l’on veut rétablir la vérité sur la gestion de la pandémie, alors tous les acteurs doivent être entendus. Tous.
Gustave Essono Edou